Compte rendu de la séance du 26 janvier 2010 - Reverdie

Compte rendu de la séance du 26 janvier 2010

mercredi 31 mars 2010, par Anne Salamon

Les modalités de l’édition de textes à visée linguistique I

Les participants

Laurent Balon, Cécile Le Cornec-Rochelois, Lucie Dorsy, Morgane Milhat, Patrick Moran, Vanessa Obry, Anne Rochebouet, Anne Salamon, Thomas Verjans.

Déroulement de la séance

La séance s’ouvre sur une rapide mise en perspective par Thomas Verjans. Thomas Verjans part du problème que pose pour le linguiste toute édition d’un texte médieval : les textes sont plus riches que ce que présente une édition, qui résulte par définition de choix, choix d’un manuscrit, choix de variantes, etc. Or de ces choix, et donc d’une vision partielle des textes, dépendent les dictionnaires et les corpus informatisés. Le questionnement linguistique se porte vers les philologues : comment ces variantes pourraient-elles être exploitées ? Quelles variantes sont pertinentes pour la linguistique ? Que peuvent donner les philologues comme matériaux aux linguistes pour une analyse en profondeur et de détail ? L’enjeu ici est la réintégration de la philologie pour les études de corpus : ce questionnement linguistique permet-il une édition de texte plus efficace ? Comment ne pas privilégier le lexical, plus facilement représentable dans les glossaires, par rapport au grammatical ? Quel statut et nature donner aux introductions grammaticales ?

I. Laurent Balon : « Prolégomènes à une "troisième voie" en matière d’édition de textes français anciens exemplifiés par le manuscrit London, BL, Royal 20 D XI » Lire la contribution

Laurent Balon présente à Reverdie le travail qu’il a accompli pour sa thèse ainsi que la réflexion méthodologique qu’il a menée dans ce cadre, son objectif étant de se situer entre une transcription diplomatique et une édition de texte classique, mais sans réduire les particularités graphiques du manuscrit étudié, considéré comme témoin authentique d’un état de langue particulier. Sa thèse était également accompagnée d’une description raisonnée des faits de langue, une importance toute particulière étant réservée à la linguistique de l’écrit (intérêt pour les séquences graphiques, en particulier le problème de transposition en segments séparés ou non de séquence de mots, et les abréviations ainsi que plus largement les questions de syntaxe graphique). Laurent Balon pose le problème des techniques de transcription en rapport avec le type d’étude à mener : comment garder la lisibilité d’un texte tout en répondant aux exigences de la linguistique de l’écrit ? Il propose une étude de langue qui se veut argumentative et non descriptive organisée autour du début d’une pratique normée de la mise par écrit.

Discussion :

Les membres du groupe reviennent sur le détail des propositions typographiques proposées par Laurent Balon, à la suite de Nelly Andrieux-Reix, pour rendre compte des différents types d’espace et de séquenciation de certains mots et groupes de mots. Dans cette optique, plusieurs cas classiques, comme madame, messire sont évoqués. Deux questions toutefois posent problème : toute séquence de mot ne sera pas traitée avec ce système de tirets : ainsi on ne les utilisera pas entre le pronom et le verbe, le déterminant et le substantif, etc. Comment justifier alors ce choix ? S’il permet de rendre compte de la constitution d’unités lexicales, pour le linguiste, il ne s’agira que de données partielles. Comment réduire cette part d’arbitraire liée à un choix d’information tout en conservant une édition lisible ? Par ailleurs, Anne Rochebouet pose le problème des allographes dans certains manuscrits : comment rendre compte d’un espace laissé dans le manuscrit entre deux mots, malgré la présence d’une lettre de milieu de mot à la fin du premier segment ? Ces phénomènes nécessitent des explications détaillées dans l’introduction grammaticale. Thomas Verjans en profite pour étendre la discussion au problème des corpus informatisés, qui sont souvent utilisés sans lien avec les introductions grammaticales.

Le second problème évoqué est celui des variantes et des traditions manuscrites touffues : ce genre d’édition, qui rendrait le texte illisible en surchargeant la page d’informations, est alors impossible. Ces considérations pratiques occupent la suite de la discussion : les participants réfléchissant aux modalités pratiques des éditions en viennent à énumérer une liste d’éditions idéales par type de besoin. Vanessa Obry signale en effet que dès qu’on veut élargir le besoin auquel on veut répondre, on retombe sur une édition classique. La discussion se termine sur l’idée que seul un travail global et collectif peut rendre compte des besoins de chacun qui sont très différents, voire contradictoires, ce que la deuxième intervention illustre.

II. Vanessa Obry : « le projet d’édition électronique de la Queste del saint Graal, dirigé par Ch. Marchello-Nizia dans le cadre du laboratoire ICAR-3 à Lyon » Lire la contribution

Pour la deuxième partie de la séance, Vanessa Obry présente au groupe le projet d’édition de la Queste del Saint Graal dirigé par Christine Marchello-Nizia. Ce projet collectif, à visée linguistique, fait le choix du support électronique. Le site, encore en construction, est accessible en ligne à l’adresse http://textometrie.risc.cnrs.fr/txm/ : « Outre une visualisation intégrale des images des folios (160 à 224), ce prototype d’édition permet d’afficher côte à côte plusieurs transcriptions du texte et une traduction en français moderne, et d’obtenir des concordances de formes et d’étiquettes morphosyntaxiques à partir d’un moteur de recherche. »

Les membres du groupe ont donc pu avoir accès en avant-première à ce travail et ont profité de l’expérience de Vanessa Obry, qui a contribué à la traduction du texte en français moderne. La discussion a principalement tourné autour des modalités techniques (temps nécessaire et ampleur du projet, lisibilité, exploitation des différentes vues et mises en parallèle, problèmes posés par l’étiquetage morphosyntaxique, etc.) et des possibilités qu’offre le support électronique.