Compte rendu de la séance du 9 mars 2010 - Reverdie

Compte rendu de la séance du 9 mars 2010

mercredi 31 mars 2010, par Anne Salamon

Les modalités de l’édition de textes à visée linguistique II / Frontières des discours I

Les participants

Laurent Balon, Cécile Le Cornec-Rochelois, Lucie Dorsy, Élodie de Oliveira, Irène Fabry, Morgane Milhat, Patrick Moran, Vanessa Obry, Anne Rochebouet, Anne Salamon, Thomas Verjans.

Déroulement de la séance

La séance s’est organisée en deux temps. Tout d’abord, Anne Rochebouet clôt la réflexion sur les modalités d’une édition linguistique des textes. Ensuite, Patrick Moran présente le nouveau thème de travail, qui occupera également la séance d’avril, intitulé « Frontières des discours », et qu’il coordonne avec Anne Rochebouet.

Les modalités de l’édition de textes à visée linguistique II / Frontières des discours I

Anne Rochebouet, Comment tenter de concilier édition critique et apports de matériaux linguistiques ? L’exemple de la cinquième mise en prose du Roman de Troie

Du point de vue du philologue, il s’agit de poser la question des variantes, notamment dans le cas des traditions manuscrites abondantes. Dans un premier temps, en partant des conseils trouvés dans les quelques articles sur la question et les manuels récents donnant des principes d’édition, Anne Rochebouet fait le point sur les pratiques actuelles du choix des variantes. Elle montre en quoi ces critères de choix aboutissent à l’exclusion du matériau intéressant le linguiste. Dans un second temps, elle s’interroge sur la nature des variantes utilisables par le linguiste et propose, à partir de son propre travail de thèse, un protocole de choix de variantes permettant de mieux satisfaire certains besoins des linguistes.

Discussion :

Cécile Le Cornec-Rochelois revient sur la question de l’ordre de mots en demandant des précisions : Anne explique qu’on peut voir, par l’examen de la place des sujets dans son texte, des exemples du passage d’un système casuel à un système fonctionnel. Irène Fabry pose le problème fondamental des corpus qui déterminent les études, alors qu’ils n’incluent pas les variantes ou encore qu’ils n’offrent qu’une place marginale au XVe siècle par exemple. Les problèmes épistémologiques liés à l’établissement des corpus de textes médiévaux ne sont pas encore réglés. Vanessa Obry remarque d’ailleurs que l’idéal serait de refaire les éditions dans la perspective de corpus informatisés et non de faire les corpus à partir d’éditions déjà réalisées, qui offrent de grands décalages suivant leurs méthodes, leurs choix et tout simplement leur date de parution. Anne Salamon rappelle les discussions du groupe lors des séances sur l’édition autour de la question des supports papier et informatisés, et remarque que le linguiste a besoin d’un exposé intégral de toutes les données, sans tri. Vanessa Obry rappelle que dans tous les cas, quel que soit le support, la présentation des données intégrales n’est pas lisible, car toutes les données étant présentes sans aucun tri, le travail reste à faire en fonction du problème du linguiste. Aussi, pour le linguiste, ce besoin d’un non-choix est important, mais peu facile à satisfaire, voire impraticable sur papier. Enfin, informatiquement, comment se posent les problèmes de l’indexation et de la formulation des requêtes ?

Frontières des discours I

Anne Rochebouet et Patrick Moran ouvrent ce nouveau thème par une problématisation générale.

Comment les médiévaux perçoivent-ils le discours écrit qu’ils produisent, et comment pensons-nous qu’ils le perçoivent ? Il s’agit de remettre en cause nos propres catégories et de poser le problème méthodologique de la différenciation. Par exemple, est-il légitime de séparer histoire et littérature ? Outre ces problèmes de légitimité de l’utilisation de certaines distinctions, il faut s’interroger sur les preuves de séparations conscientes opérées par les médiévaux dans leurs pratiques. Quel appareil et quelles marques permettent de le déterminer ?

La question des frontières des discours recouvre en partie la question des frontières des genres, et c’est ce sur quoi reviendra Patrick Moran ; toutefois la réflexion portera aussi sur les différents types de discours et les frontières entre production littéraire, historique, scientifique, etc. Par ailleurs, les frontières du discours pourront être considérées dans les textes eux-mêmes, qu’il s’agisse de la question de l’insertion, de l’interpolation, de la perception d’une homogénéité ou au contraire d’une hétérogénéité. Quels types de marquage, de frontières peut-on voir exhibés ? Enfin, matériellement et codicologiquement, se pose la question des écritures ou de la disposition du texte (nombre de colonnes, gloses etc.) mais aussi le problème de la mise en recueil, du cycle, de la série ou encore de la somme : a-t-on un même discours ou plusieurs ?

Patrick Moran en vient à la question des genres pour le Moyen Âge. Il part du consensus qui s’accorde à dire que la notion de genre est problématique et prend pour point de départ de sa réflexion différents travaux qui ont été menés en médiévistique autour de ces questions, en particulier Jauss et Zumthor, ou pour ce qui est de travaux plus récents, Richard Trachsler et Denis Hüe. Afin de sauver le genre et pour pouvoir aller plus loin, Patrick Moran énumère quelques écueils à éviter. Le premier écueil serait de croire que les médiévaux n’ont pas de classes textuelles et de conscience classifiante, ce qui fait écho à son corollaire qui est de croire que les genres sont des catégories hermétiques. Le deuxième écueil serait d’essayer de généraliser les catégories énoncées ponctuellement par les médiévaux eux-mêmes alors même qu’elles ne permettent pas de rendre compte de tous les textes. Enfin, le dernier écueil serait d’ignorer les évolutions de la théorie générique générale, qui est revenue sur la définition de ce qu’est un genre pour en faire un terme neutre, désignant ce qui rend les textes différents les uns des autres.